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Quels sont les accords qui contribuent à la mondialisation des transferts ?

La mondialisation du marché des transferts est l’une des caractéristiques les plus affirmées de l’économie du football. Il suffit d’observer les mouvements qui ont animé le mercato d’été 2014 pour s’en convaincre. Si de nombreux observateurs commentent ce marché, il nous semble important de rappeler les décisions et les accords qui ont contribué à cette situation. La compréhension de ces mécanismes de régulation nous permettra ainsi d’aller plus loin que le simple bavardage autour du transfert d’un joueur majeur : il doit nous aider à comprendre à quel point les accords internationaux ont un impact sur la carrière d’un joueur et expliquent pourquoi certains clubs sont des pourvoyeurs de talents « hors UE ».

Aujourd’hui, nous nous concentrerons sur les différentes lois, décisions de justice et accords internationaux qui ont participé à la mondialisation du marché des transferts ainsi qu’à sa régulation. Dans une seconde article (à paraître prochainement), nous nous concentrerons sur ce qui est devenu le cœur de la réglementation des mouvements de joueurs : le label « formé localement ».

Les ressortissants européens : l’arrêt Bosman

Depuis 1995, l’arrêt Bosman affirme la primauté du droit communautaire européen sur le droit national. Dans les faits, un joueur ressortissant d’un état membre de l’Espace Économique Européen (Union Européenne + Norvège + Islande + Liechtenstein) ne peut être discriminé sur la base de sa nationalité. Il peut donc être salarié dans n’importe club de n’importe quelle fédération et prétendre aux même privilèges et devoirs accordées aux joueurs locaux.

Néanmoins, en dehors de l’Union Européenne, comme en Russie, Belarus ou Ukraine, un joueur ressortissant de l’UE peut se voir affecté par des quotas de joueurs étrangers au même titre qu’un Brésilien ou un Argentin.

L’arrêt Bosman a été le principal moteur de l’internationalisation de tous les championnats du continent européen, ayant deux conséquences principales :

  • au niveau des joueurs puisque les meilleurs d’entre eux ont eu la possibilité de participer aux meilleures compétitions sans entrave de circulation ;
  • au niveau des clubs puisque cela leur a ouvert la possibilité d’engager des joueurs dont les prétentions salariales étaient bien moindre que la moyenne locale.

Le reste du monde I : les accords de Cotonou

Les accords de Cotonou sont un traité international entre les pays d’Afrique (sub-saharienne), des Caraïbes (à l’exception de Cuba) et du Pacifique. Tous ces états forment ainsi l’ACP. L’objectif du traité est la coopération entre les différentes parties dans le but de promouvoir le développement économique et social des pays de l’ACP. Ces accords ont une portée particulière pour le sport professionnel : un ressortissant de l’ACP, si employé légalement, ne peut se voir discriminé sur la base de sa nationalité.

Néanmoins, l’accord ne dit rien de la libre circulation des ressortissants et les modalités d’entrée légale sur un des territoires de l’Union Européenne sont laissées à la discrétion des états membres. Cette discrétion, associée aux différentes formes de régulation pour l’enregistrement et le transfert de joueurs entre les différentes fédérations, conduit à des applications différentes selon les pays. Par exemple, dans les fédérations où les ligues imposent des quotas pour les joueurs non-ressortissants de l’Union Européenne, les joueurs ressortissants de l’ACP ne peuvent être soumis à ces quotas. C’est le cas en France, en Espagne et au Danemark.

Les accords de Cotonou ont ainsi permis aux sélections africaines d’avoir un contingent beaucoup plus important de joueurs formés au pays, dans les académies de football, plutôt que des joueurs jouissant d’une double nationalité.

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Le reste du monde II : les accords bilatéraux majeurs

Il existe de nombreux accords bilatéraux entre des pays membres de l’UE et des pays tiers portant sur l’accès des marchés du travail domestique par des sportifs professionnels. Retenons les principaux accords qui portent sur les championnats majeurs :

  • en plus de l’ACP (voir précédemment), la France a des accords avec l’Ouzbékistan, le Kirghizstan, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et toutes les fédérations d’Océanie (rappel : l’Australie est une fédération asiatique depuis 2006). Comme dans des accords de Cotonou, les ressortissants des pays cités ci-dessus ne peuvent être soumis à des discriminations basées sur la nationalité ;
  • en plus de l’ACP, l’Espagne a des accords avec la Russie et la Turquie et leurs ressortissants jouissent des mêmes droits que les joueurs espagnols. Il faut aussi rappeler que les joueurs professionnels en provenance d’Amérique Latine ont un accès facilité à la citoyenneté espagnole avec un période de résidence nécessaire de seulement 2 ans.
  • le Portugal ne discrimine pas les joueurs brésiliens

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Le reste du monde III : les extra-communautaires

Un certain nombre de fédération limite l’accès au marché du travail domestique pour les footballeurs non-ressortissant de l’Union Européenne. Ces limitations peuvent prendre différentes formes :

  • quotas de joueurs non-UE (i.e. comme en France, où quatre joueurs maximum non-UE peuvent être enregistrées, ou en Espagne, où seulement trois peuvent être enregistrés) dans l’équipe première ;
  • nécessité d’obtenir un permis de travail (comme au Royaume-Uni) ;
  • quotas de transfert de joueur non-UE en provenance de l’étranger (comme en Italie).

À l’inverse, d’autres pays n’imposent aucune règle concernant les ressortissants extra-européens ; c’est le cas notamment de  l’Allemagne, de Portugal, de la Belgique ou des Pays-Bas.

Au Royaume-Uni, l’idée est de n’autoriser l’entrée de joueurs étrangers qu’à condition que leur talent le justifie. Le « talent » dans la pratique est mesuré à travers la participation d’un joueur aux matchs officiels de sa sélection nationale. Le joueur doit avoir participé à 75% des matchs d’une sélection classée parmi les 70 première au classement FIFA sur une période de deux ans. L’idée ici est vraiment de n’avoir que la « crème de la crème » du football mondial avec des joueurs qui ne pourront qu’évoluer dans des clubs de Premier League ou Championship Premier (deuxième niveau de la pyramide anglaise).

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Joel Campbell (à gauche), attaquant du Costa Rica

En Italie, les clubs de Série A ne peuvent effectuer plus d’un transfert d’un joueur non-UE depuis l’étranger. Néanmoins, le transfert d’un joueur non ressortissant de l’UE depuis un autre club italien n’est pas limité. Ces deux règles discriminent également les joueurs ressortissants des pays signataires des accords de Cotonou. Ici la discrimination ne se fait pas sur les conditions d’emploi (comme c’est le cas avec des quotas), mais sur les conditions d’entrée sur le territoire national. Dans ce cas chaque pays membre est libre d’édicter les règles qu’il juge nécessaire.

Vers un encadrement du marché par la formation locale ?

Ainsi, il existe des limites légales à la libre circulation des footballeurs professionnels. Cette libre circulation est principalement le privilège des ressortissants de l’Union Européenne. Néanmoins, même pour ceux-ci l’âge d’or semble être dépassé puisque l’UEFA et la Premier League anglaise imposent désormais aux clubs participants à leurs compétitions une certaine dose de « couleurs nationales et locales ». L’objectif est que les plus grands clubs ne se transforment pas en franchise sans âme. Nous verrons dans un prochain billet les spécificités techniques, la philosophie et les objectifs de ce type de mesure.

 

Master d‘économie à l’Université de Copenhague depuis 2014. J'ai écris mon mémoire sur la relation entre productivité du travail, âge et expérience en NBA. Je conçois le sport comme un merveilleux champ pour l'économie et les méthodes quantitatives appliquées. En cela, je suis autant intéressé par la recherche empirique que par les questionnement éthiques ayant traits au football moderne.

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