Record pour les droits TV de la Premier League : une folie des grandeurs risquée
La Premier League fait tomber un nouveau record. Les droits TV de la ligue de football anglaise ont été attribués aux opérateurs Sky et BT pour un montant de 6,9 milliards d’euros, pour les trois prochaines années. Comment expliquer un tel montant ? Y a-t-il un risque de bulle ? Analyse.
Les chaînes BT (British Telecom) et Sky débourseront 5,2 milliards de livres pour diffuser les trois saisons 2016-2017 à 2018-2019, ce qui fait environ 2,2 milliards d’euros par saison. C’est énorme !
À titre de comparaison, les chaînes de télévision paient actuellement 960 millions d’euros par saison pour la diffusion domestique de la Serie A, environ 750 millions pour la Liga et la Ligue 1, et un peu moins de 700 millions pour la Bundesliga.
Les droits pour la diffusion domestique du championnat anglais sont donc trois fois plus élevés que pour le championnat français. Et cela sans compter les droits pour la diffusion à l’étranger… qui sont également bien plus importants pour la Premier League que pour les autres grands championnats européens.
Le football est un produit d’appel
Comment est-ce possible ? En réalité, la concurrence entre BT et Sky pour acheter les droits de Premier League a été extrêmement féroce.
Parce que le championnat anglais est d’un niveau exceptionnel ? Ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher l’explication. En réalité, ces deux chaînes perdent déjà de l’argent dans le cadre de la diffusion des matchs de Premier League dans le cadre de l’accord actuel (saisons 2013-2014 à 2015-2016).
Le football n’est pour elles qu’un produit d’appel pour vendre des bouquets de chaînes et des abonnements internet (un peu comme un hypermarché vendant très peu cher un produit phare pour attirer les consommateurs et leur vendre de nombreux autres produits). Notons que Sky et BT sont les deux leaders de la fourniture d’accès internet au Royaume-Uni (plus de la moitié des parts de marché à eux deux). La guerre pour l’obtention des droits de Premier League n’est finalement que le déplacement de la guerre commerciale sur un autre terrain.
Cette augmentation n’est pas soutenable
Y a-t-il un risque de bulle ? Oui. De nombreux analystes financiers estiment que l’augmentation des droits de retransmission n’est pas soutenable. Pour financer les droits de la Premier League, les abonnements vont vraisemblablement augmenter et Sky a déjà annoncé un plan de réduction des coûts de 200 millions de livres.
En réalité, les chaînes de télévision n’ont pas tant de marges de manœuvre que cela. Les conséquences d’une possible incapacité d’une chaîne à honorer ses engagements pourraient avoir des conséquences financières dramatiques car les clubs établissent leurs budgets prévisionnels en fonction des recettes qu’elles anticipent.
Comme je le relate dans « Économie du football professionnel« , cela s’est déjà produit en Angleterre pour les clubs de 2e à 4e divisions au début des années 2000 et en Bundesliga à la même époque, avec des conséquences dramatiques…
Une ligue de plus en plus fermée
Quelles conséquences ? Elles sont multiples. Evidemment, les meilleurs clubs anglais vont pouvoir concurrencer le Real Madrid et le Barça dans la course au budget le plus imposant d’Europe et pourront recruter encore plus de stars. Le PSG pourrait être pris de vitesse par Manchester City et Chelsea.
Cela va également tirer à la hausse les indemnités de transfert et les salaires des meilleurs joueurs du monde. Les clubs du ventre mou ou même de bas de tableau du championnat anglais seront désormais capables de recruter des joueurs qui pourraient autrement jouer dans les 4e ou 5e meilleurs clubs allemands ou espagnols. Et ne parlons pas des clubs français…
Il y aura également une réflexion à mener sur l’opportunité ou pas de « fermer » la Premier League car l’écart entre les revenus des clubs de 1ère et 2e divisions va devenir abyssal : les conséquences financières d’une relégation pourraient devenir de plus en plus terribles. Tout se passe comme si, année après année, la Premier League glissait vers le modèle nord-américain.
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