Football et Stratégie

S’il acquiert l’OM, le prince Al-Walid fera moins bien que QSI au PSG

Ces derniers jours, le journal L’Equipe a évoqué plusieurs fois la possible vente de l’Olympique de Marseille par le prince saoudien Al-Walid, dont la fortune est estimée par Bloomberg à 26 milliards de dollars (environ 21 Mds d’euros). Pour le prince Al-Walid, acquérir l’OM n’est pas un investissement financier comme les autres, au sens où il ne cherchera pas à en tirer un profit financier.

Il s’agit d’un investissement symbolique, dans le cadre duquel il est davantage question d’image : l’OM est un club au passé glorieux, c’est le seul club français qui a gagné la Ligue des champions et reste encore très populaire dans le cœur des Français. L’OM compte plus de 5 millions de fans sur les réseaux sociaux et arrive à regrouper des supporters partout sur le territoire (plus de français que le PSG). De plus, Marseille est l’une des plus grandes villes méditerranéennes, capitale européenne de la culture 2014. Mais, malgré sa fortune, largement supérieure à celle d’un Roman Abramovich, le prince Al-Walid réussira vraisemblablement moins bien (et surtout moins vite) que le Qatar Sports Investments au Paris Saint-Germain.

(Crédit photo : celebritynetworth.com)

Le principal frein du prince Al-Walid serait le fair-play financier de l’UEFA. Auparavant, les clubs de milliardaires faisaient beaucoup de pertes (épongées par les actionnaires) lors des premières saisons afin de parvenir à un succès sportif rapide en recrutant cher et rapidement des joueurs d’exception. Les déficits étaient énormes et la réussite sportive extrêmement rapide. Ce n’est désormais plus possible avec le fair-play financier qui contraint les clubs participant à la Ligue des Champions et à la Ligue Europa à équilibrer recettes et dépenses. Dans sa forme actuelle, le fair-play financier est clairement un frein à l’arrivée de milliardaires dans le football européen : jusqu’à maintenant, les deux clubs qui ont été les plus sanctionnés sont le PSG et Manchester City. En cas d’acquisition de l’OM, le prince Al-Walid ne pourra certainement donc pas réussir aussi vite que Qatar Sports Investments avec le Paris Saint-Germain car les dépenses de l’OM seront contraintes.

Pour le prince Al-Walid, contourner le fair-play financier ne serait pas aisé :

Mais, racheter le stade et exploiter au mieux la billetterie afin de maximiser les recettes afférentes s’annonce complexe car, à l’OM, les supporters sont chargés de la vente et de la distribution des places dans certaines tribunes. C’est un accord tacite pris depuis les années 1980, entre Bernard Tapie et les représentants des clubs de supporters. La remise en cause de cette organisation serait délicat à mettre en place, tant la pression populaire est grande. Déjà, en 2007, lorsque Robert Louis-Dreyfus avait annoncé la vente du club à l’homme d’affaire Canadien, Jack Kachkar, pour 115 millions d’euros, les supporters avaient prévenu qu’ils ne se dessaisiront pas de la billetterie et maintiendront la pression sur l’organisation des abonnements.

Le Canadien Jack Kachkar, pressenti pour racheter le club de l’OM, le 31 janvier 2007 au Stade Vélodrome. – J.-P. Pelissier/REUTERS

La grande question est également de savoir dans quelle mesure les grandes entreprises saoudiennes seront enclines à sponsoriser l’OM et surtout – et c’est crucial vis-à-vis du fair-play financier – si celles-ci ont des relations capitalistiques avec le prince Al-Walid. Au Qatar, toutes les entreprises sont mobilisées pour le développement du tourisme, une stratégie d’Etat, et on peut légitimement douter que ce soit le cas de l’Arabie Saoudite.

En tout cas, le PSG a clairement un temps d’avance en France par rapport aux autres clubs de milliardaires, actuels ou futurs. On voit déjà que Monaco connait plus de difficultés mais les choses seront encore plus compliquées pour les suivants (Al-Walid à l’OM ? Investisseur émirati au Paris FC ?)

Il est l'auteur de l’incontournable Repères « Economie du Football Professionnel » (La Découverte, 2014) et co-auteur de 20 questions improbables sur le foot (De Boeck, 2014). Docteur en économie, il est également diplômé de l'Ecole Centrale de Lyon et de l'ENSAE.

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